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Réactions à la pandémie de la COVID-19 dans les communautés aborigènes de la région des Kimberley en Australie-Occidentale
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Marshall, M.,
Wooltorton, S.,
Golson, K.,
Dwyer, A.,
Kennedy, G.,
Albert, U.,
Morgan, M.,
Guimond, L.,
Poelina, A.,
&
Sullivan, P.
(2020).
Réactions à la pandémie de la COVID-19 dans les communautés aborigènes de la région des Kimberley en Australie-Occidentale.
Organisations and Territoires, 29 (2), 163-169.
Abstract
La crainte suscitée par les épidémies et les pandémies chez les peuples aborigènes de l’Australie n’a rien de nouveau. Dès ses débuts, la colonisation a provoqué des éclosions de grippe, de variole et de rougeole qui ont décimé des populations entières, bouleversant ainsi le tissu socioculturel de plusieurs nations aborigènes. Dans la région des Kimberley, en Australie-Occidentale, la lèpre a justifié le déplacement d’Autochtones de tous âges vers des établissements hautement supervisés et des missions en région éloignée (voir Annexe). Ceux qui travaillaient sur les ranchs d’élevage bovin recevaient initialement des rations en guise de « rémunération ». À la fin des années 1960, en raison de politiques d’accès à de meil-leures conditions de travail et à l’établissement du salaire minimal en Australie, plusieurs travailleurs au-tochtones ont été expulsés des ranchs, ce qui a engendré un exode vers les villes régionales. S’en est suivie la création de réserves et de camps dans les pourtours de ces villes (town camps), dans lesquels les con-ditions de vie étaient précaires et qui sont devenus aujourd’hui des entités administratives officielles.
Au début des années 1970, le chômage et les prestations d’aide sociale offertes aux Autochtones, com-munément nommées sit-down money, ont largement contribué à l’augmentation du taux d’alcoolisme et de toxicomanie, ici considérés comme étant des maladies coloniales qui font encore des ravages aujourd’hui. Ainsi, en raison de ces traumatismes, la peur des épidémies et des maladies résultant de la présence des colons occidentaux est un sentiment partagé par plusieurs.
L’histoire coloniale a engendré une tension continue, voire de la méfiance en ce qui a trait à la perception des services de sécurité déployés dans les communautés éloignées. Depuis la colonisation, les peuples aborigènes font continuellement face au retrait forcé des territoires avec lesquels ils entretiennent une relation intrinsèque et qu’ils ont la responsabilité de protéger. Des politiques encourageant la réappro-priation des terres ancestrales ont vu le jour dans les années 1970. Cependant, en 2014, en réaction à l’annonce du gouvernement du Commonwealth de l’Australie d’abolir le financement opérationnel des communautés éloignées, le gouvernement de l’État de l’Australie-Occidentale, dirigé par Colin Barnett, a menacé de littéralement les fermer, bien qu’elles accueillent 12 000 Autochtones (Kagi, 2014; Kelly et Lobo, 2017).
Cette déclaration et d’autres dans la même foulée ont semé la confusion et une profonde inquiétude chez les peuples aborigènes des Kimberley et leurs alliés non autochtones, et ce, sur une période prolongée. Elles réaf-firmaient l’idée selon laquelle les pouvoirs coloniaux des gouvernements l’emportent sur les perspectives locales et les intérêts des peuples aborigènes. Dans un contexte de crise comme celle de la COVID-19, les membres des communautés continuent de plaider en faveur de leurs droits, une perspective renforcée par June Oscar (2020), commissaire de l’Aboriginal and Torres Strait Islander Social Justice, qui soutient que les territoires traditionnels sont les milieux de vie les plus sécuritaires pour les Autochtones.
À l’échelle nationale, les peuples aborigènes et les insulaires du détroit de Torrès sont reconnus comme étant l’une des populations les plus vulnérables de l’Australie en raison de la forte prévalence de maladies chroniques et d’autres problèmes de santé. Alors que le nombre de cas de COVID-19 augmentait rapidement au sein de la population australienne au début de l’année 2020, plusieurs membres des peuples aborigènes, notamment par le truchement des Aboriginal Community Controlled Organisations (ACCO), d’autres organismes non gouvernementaux affiliés et des ministères concernés, ont fait part de leur inquiétude.
À son apogée, la panique suscitée par la pandémie a déclenché des actions rapides prises par le gouver-nement, dont l’élaboration d’une loi d’urgence rédigée du jour au lendemain et adoptée en quelques heures. Cela a provoqué la confusion et une réelle préoccupation partagée par les peuples aborigènes des Kimberley. Les mesures de distanciation sociale mises en place par les gouvernements des États et le gouvernement fédéral, dont il est question dans cet article, constituent un exemple probant qui illustre le caractère intrusif des mesures d’urgence adoptées par ces autorités. Cet article vise à présenter les réflexions initiales d’un projet de recherche innovant mené par des Autochtones en cours d’élaboration dans la région des Kimberley.
Keywords
research project, Australian Aboriginal people, Torres Strait Island people, Australia, Kimberley region, government authority, COVID-19